samedi 27 novembre 2010

Les vieux.


Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtemps
Les vieux, Jacques Brel


A la fac il y a toujours des gens bizarres. Toujours. Personne ne peut dire le contraire. Il y a les geekos amateurs de jeux de rôles qui font des vannes douteuses au sujet de La Menace Fantôme, (d'ailleurs ils pensent toujours que c'est le meilleur opus. Erreur.) si vous avez le bonheur de vivre dans le froid vous avez dû également goûter au plaisir du headband en laine et autres trucs honnêtement douteux de bobos parisiennes (et là je dis révolte).
Mais moi dans ma fac il y a un drôle de type. Son métier : inconnu. Son âge : inconnu, mais une chose est sûre, il doit faire monter la moyenne d'âge de la cafet' d'au moins 25 ans quand il en passe la porte. Mais peu importent ses rides. C'est le plus beau de tous les vieux. Au moins.

Vous avez sans doute remarqué mon amour des rides, chez Samuel Beckett puis chez Louise Bourgeois. Eh bien c'est global. Ceci est un aveu. Qu'oser dire à ces paysages creusés et érodés par les années, le sel et le vent ? Les vieux sont les plus beaux de tous parce qu'ils pourraient tout savoir, ils ont tous des instants d'absence, comme si la mort approchant, il se rappelaient la tendresse de l'enfance. Les vieux sont touchants quand ils oublient ce qu'ils ont vécu, mais que leurs mains de soie fripée sont là pour nous rappeler qu'ils en savent bien plus long que nous. Souvent ils redeviennent enfant et entre deux plis, leurs yeux s'éclairent de bonheur.
Ce monsieur à la fac fait des jeux. Il gobe du raisin et découpe des serviettes en papier pour nous regarder à travers. C'est le plus beau de tous les vieux car il a atteint ce stade de retour à l'enfance sans pudeur. Il est intelligent, nous le savons tous car ses rides et ses yeux nous le disent.
Mais parfois quand je croise son regard j'ai la sensation qu'il rattrape des années perdues à se prendre au sérieux.
Les vieux savent tout et veulent se souvenir de l'époque où ils ne savaient rien. Le poids de la connaissance et de l'expérience semble insurmontable. 
Leurs rides sont les strates d'un univers.

dimanche 21 novembre 2010

Portrait, Psychotiques et PCP




I can't remember my birth. She was diagnosed schizophrenic [...] she had a head trauma when she fell of the roof. She did do LSD, PCP and you know she was a true child hippie back in the 60's, I'm emotionally disturbed right now [...] you know it freaked me out, I feel that we're in another dimension and see, I got a little of this drug, I'm not sure what kind but it was PCP or LSD, and it depersonalized my mind. I hope I don't die. I am depersonalized, I feel like I'm dreaming all the time, I forget what it is to be normal, you know. Sometimes it freaks me out. Life is a trip. It's like one big long dream.
Jonathan Caouette

Outch.
Certains films vous laissent croire qu'après Katrina tout était pourri chez nos amis d'Outre-Atlantique. D'autres vous racontent comme c'était naze après le 11 Septembre et comment la ville de Ground Zero s'est transformée en pâle copie de Zombieland.
Et puis d'autres films vous racontent à quel point c'est nul. Tout court. Oui, oui.
Honnêtement, il y en a un qui le fait mieux que les autres. Et avec un petit budget en plus. Tout ce qu'on aime, moi à $218 le film je suis preneuse. 
Depuis l'âge de 11 ans, Jonathan Caouette filme sa vie de merde. Alors que nous pensons tous que nos vies plates ne sont même pas dignes d'un documentaire, il le fait. Et effectivement il a des choses à raconter le bonhomme.
Entre histoires d'abandons, de drogues, de chocs électriques, d'instabilité familiale et psychologique, d'homosexualité... il y a de quoi faire. Jonathan Caouette se fait le peintre d'une génération le cul entre deux chaises. Papa et Maman ont eu des pratiques sexuelles libérées dans les années 70, jusque là pourquoi pas, mais Maman a aussi eu des pratiques chimiques assez libérées. Alors pourquoi ne pas tenter le coup ?! Ah et au fait. Peut-être que Papi et Mami ont eu des pratiques sexuelles bizarres avec Maman aussi. Mais pas sûr.

Trève de plaisanteries. La seule personne qui rit dans ce film, c'est Renée, la mère. Mais on ne rigole pas du tout avec elle. Ou alors de très loin. 
Plus qu'une autobiographie morbide, Tarnation est également une merveille de montage vidéo. Et quand je dis merveille, j'essaie de peser mes mots. Sur les images filmées par Jonathan tout au cours de sa vie se posent des messages enregistrés sur répondeurs, les images filmées en Super-8, en VHS ou en DV s'enchaînent avec force. C'est une génération de cinéma (plusieurs extraits de films ARCHI underground que genre même Robert Smith ne connait pas sont calés dans le film) et d'horreur qui nous est présentée.
La possibilité d'un chaos sous nos yeux chastes. A chaque nouvelle séquence, chaque nouvelle phrase, c'est une nouvelle claque en pleine face, accompagnée de cette pensée des plus vulgaires mais néanmoins justifiée : "Putain de merde, mais c'est pas possible."
Pourtant si.
Je n'expliquerai pas pourquoi je chiale à chaque fois que je vois ce film, je vous laisse chailer à votre tour & faire votre analyse.

Ça fout les chocottes.