
Avant tout, observez ces yeux.
Effectivement, ils sont bleus, ils semblent vides, mais sont aussi intelligents et créateurs que la voix de Michel Foucault. Je pose le sujet : ce sont ceux de Samuel Beckett.
Cet homme sait tout, je vous préviens, il a tout compris, tout montré, si ses yeux sont si transparents, c'est sans doute qu'ils absorbent le monde et la condition humaine sans fioritures. On ne rigole pas avec Beckett.. ou peut être que si, parfois, entre deux répliques de Hamm, Willie ou Pozzo.
A poor lonesome cowboy, un homme sans influences, si ce n'est un semblant de Purgatoire à la Dante dans ses lignes. Après avoir vaguement montré sa science dans quelques essais ; Dante, Proust, dramaturgie italienne...sur les conseils de l'autre ami irlandais, j'ai nommé James Joyce, qu'un jour nous parviendrons peut-être à lire, il rompt avec l'érudition qu'il avait déjà largement démontrée, et commence la construction d'une oeuvre charnière pour la littérature du 20ème siècle.
Samuel Beckett créée un genre nouveau, non pas le théâtre de l'absurde à la Ionesco comme on pourrait le penser, mais du théâtre de l'absurde irlandais. Un théâtre et des romans, je m'en voudrais de ne pas les mentionner (minute "ma vie" : je lis actuellement l'un des trois tomes de sa trilogie sur la condition humaine : Molloy) marqués par un profond pessimisme. Ce pessimisme qui trouve son essence dans l'attente et l'absence (l'attente de l'absence ?)
Plus d'humains, seulement des monstres. Pas des Éléphant Man, ni des Jack l'éventreur, non, pas des monstres en ce sens, mais plutôt des Hommes. Donc des monstres. Voilà la corrélation. L'Homme hait le monstre et l'Homme est le monstre. Flagrant dans Fin de partie, plus discret dans En attendant Godot, cet aspect de la littérature n'est pas nouveau, mais matérialisé et exacerbé chez notre homme.
On l'a accusé de tous les torts, de sous-écrire, de sur-écrire, mais le plus souvent, Beckett sait poser ses mots. Que voulez vous. Monsieur est normalien, Monsieur est ami avec James Joyce, et avant tout, Monsieur est d'une intelligence rare! Incommunicabilité, frivolité du quotidien, matérialisme, irrévocabilité de la mort, impossibilité ou inutilité du carpe diem.
Peut-être que j'ai faux sur toute la ligne, mais Beckett me dérange et m'émeut, le plaisir qu'il prend à jouer avec la langue française me touche.
Si une chose peut lui être reprochée (et je suis draconienne), c'est peut être la grande homogénéité de son oeuvre, sa constance. Mais bon. Ça reste Beckett, et Beckett, ses rides, ses yeux, ses livres, je les aime.
P.S. : oui, je sais, ça fait deux photos ridées de suite, mais que voulez vous, je suis sentimentale et la vieillesse m'émeut. Louise et Samuel sont magnifiques dans leur vieillesse et dans leurs rides.
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